Texte sur exposition Dérives par Jany Cotteron

« Dérive »

 

Attirée par le titre de l’exposition de Yannick Bonvin et les toiles aperçues à travers les vitres de la galerie Marianne Brand, j’entre. Sur les murs, de grands tableaux aux dessins noirs, blancs et bleutés. L’un, surtout, me retient longtemps, souffle suspendu, en contemplation, méditation.

De près :  un espace blanc envahit presque toute la toile. Des reliefs noirs à l’encre de Chine tracés avec des feuilles ou des herbes en guise de pinceau, leurs contours rendus légers, effilochés.
Je dérive dans le visible, l’invisible… Des pointes, îles, sommets ou rochers, émergent de la brume. Qu’y a-t-il derrière cette blancheur cotonneuse ? le vide ou la vie ?
Ce qui est peint en traits noirs, en pointes, vibre. Cette vibration anime tout le tableau, m’emmène à l’intérieur, au-delà de ce que je perçois.
Entre visible et invisible, je dérive dans les eaux bleues. Je deviens île de roche et de neige. Je porte en moi l’émietté des failles, les déchirures du monde, je suis refuge pour les ailes de passage. J’attends celle ou celui, épris d’aventure et de beauté, qui partagera ma solitude, fera naître du froid et du coupant la chaleur de la vie.

Je suis sommet de roche, de neige et de glace bleutée, dans l’écume des nuages qui cache l’ailleurs. J’attends celle ou celui, épris de montagne et de silence qui se joindra à moi, désir des mains et du cœur, dans l’exultation de sa propre conquête.
Je suis celle qui sort peu à peu du tableau, retrouve les voix et l’animation du lieu, comme détachées de moi.
Comment exprimer cette sensation de bien-être, cette émotion heureuse qui me laisse sans voix ?
Je reste dans un silence de douceur.

Jany Cotteron

mars 2025