Texte de Saskia Gesinus-Visser, historienne et collaboratrice scientifique au FMAC

Chut, les murs de l’atelier genevois de Yannick Bonvin Rey rêvent…

Le béton brut baigné de lumière contient un univers personnel paisible, s’étendant du cabinet de curiosités choisies aux grands espaces libres. Les œuvres se dévoilant ici témoignent d’un cheminement constant aux travers de paysages sauvages, évocation de montagnes et de mers.

L’artiste y travaille comme une alchimiste, utilisant pinceaux, brosses, couteaux, spatules, éponges. Elle y recherche les textures finement nuancées et les lumières subtiles nées de mélanges d’enduits, d’encre de Chine, d’acryliques, de pigments naturels, de terre de Sienne. Elle crée ses outils au gré de ses besoins. Elle explore les formats des cartes postales facétieuses et des petits carrés poétiques, des affiches critiques ou des grands diptyques silencieux, tantôt sur papier, sur toiles ou directement sur bois. De minuscules installations sculpturales figurent dans un coin comme de possibles promesses artistiques. Le laboratoire fourmille de pistes balisées par l’expérimentation en cours ou de nouvelles à débroussailler.

L’autre lieu de travail de l’artiste est dans son mayen en Valais. Son lieu de retraite et de création, de profond enracinement. Yannick Bonvin Rey y puise son inspiration directement au cœur d’une nature libre et sauvage, faite de forêts, de cimes, de rocs et de la proximité du ciel.

Dans ce cadre de retour à une écologie simple et fertile, l’artiste collecte tous les matins depuis une année des feuilles, tiges ou lichens. Elle teste ensuite leur potentiel physique au contact de ses encres et mélanges, éprouvant leurs effets esthétiques. Les végétaux deviennent tampon ou crayon, s’impriment, révélant plus ou moins le dessin de leurs contours et nervures selon les compositions. Initialement minimalistes, les traits font écho à un monde baroque ou effleurent ailleurs un style japonisant. Les peintures nées de cette recherche s’inscrivent sur tout le spectre d’expression, courant de l’hyper abstraction à la figuration. Yannick Bonvin Rey maitrise complètement le jeu minutieux des variations sur cette échelle, les paysages s’invitant avec plus ou moins d’évidence dans l’œil du spectateur. Comme dans ses travaux précédents, elle nous mène sur le fil du rasoir dans le mouvement oscillant entre le voyage intérieur et extérieur, là où s’estompent ces limites, dans une célébration du silence, de la beauté et de la vie.

Saskia Gesinus-Visser, historienne, collaboratrice scientifique au FMAC, septembre 2020