Étourdi de Soleil, article dans la Revue Alsacienne de Littérature N° 138.

Note de lecture RAL n°138 – Décembre 2022
Eva-Maria Berg & Yannick Bonvin Rey, Étourdi de soleil,
Éditions L’Atelier des Noyers, 2022.
Un recueil de poèmes, mais aussi un « objet-livre », ainsi se présente le troisième opus d’Eva-Maria Berg paru en 2022 à L’Atelier de Noyers, fruit de sa rencontre avec l’artiste suisse Yannick Bonvin Rey. Des peintures au nombre de 7 accompagnent le cheminement des poèmes et participent à l’élaboration du recueil qui a été présenté au printemps dernier à Dijon, à la Maison Rhénanie-Palatinat, centre franco-allemand en Bourgogne-Franche-Comté, sous le titre « Étourdi de soleil – von sonne betäubt ».
Dans une version bilingue sont rassemblés 46 poèmes répartis en 5 séquences, chacune étant précédée par la reproduction pleine page d’une œuvre plastique de Yannick Bonvin Rey. Cette collaboration est comparée à un départ « en voyage », à partir des textes d’Eva-Maria Berg, une exploration des « lieux » pour « en être habitée … et voir ce qu’il advient ». Ainsi la poésie se place sous le regard de la peinture qui « permet de montrer ce qui ne peut être nommé, d’explorer des formes » dans des créations picturales aux tonalités crépusculaires qui se métamorphosent en paysages insolites.

Eva-Maria Berg nous entraîne de page en page à travers une succession de choses vues, d’impressions fugitives en forme de méditation sur les êtres et la réalité du monde méditerranéen, ce qu’elle en a perçu lors de ses séjours en Provence-Côte d’Azur, notamment dans la région de Marseille. Ainsi écrit-elle : « s’évader / du quotidien / une recherche / dans un espace / étranger / sans savoir / si sa portée / est suffisante pour / aller de l’avant » et plus loin « la lumière trouble / tes yeux / même si tu les / fermes tu ressens / ce que tu ne vois pas ». De brefs poèmes qui vont à l’essentiel et se suffisent à eux-mêmes, qui cherchent à retenir quelques traces du réel, quelques sensations qui surgissent soudain et qu’il faut saisir avant qu’elles ne disparaissent. Voilà sans doute ce qui caractérise l’aspect le plus immédiat de l’écriture poétique d’Eva-Maria Berg. Mais dans cette écriture s’exprime aussi un questionnement et une inquiétude, au-delà de la beauté et du charme des lieux, à propos des injustices et des formes de misère qui meurtrissent les hommes abandonnés à leur sort.
Chaque page est un tableau qui vous sollicite et vous éprouve : « entre / l’angoisse / personnelle / et l’angoisse générale / s’équilibre l’oubli / pour un long / moment pour / un court moment/ joie pure / au clair / reflet / du premier vers / sans ombre / la place / encore déserte ». Mais rien ne semble plus parlant que de partir à la découverte de ces poèmes assemblés feuille à feuille dans ce bel écrin de papier que je vous invite à parcourir à votre tour.

Alain Fabre-Catalan