Article de Gavard-Perret / Art helvétique contemporain
Yannick Bonvin Rey s’intéresse à la notion de lieu et de territoire. Mais selon un axe particulier : le lieu réel est transformé en un lieu rêvé. Il est ainsi décentré de son socle et il se découpe selon un autre espace. On pourrait penser d’abord que des oeuvres ne demeurent que des éléments ou pièces. Mais ces dernières ne sont rapportées mais situées dans une perspective plus générale en figures mégalithiques ou tables mouvantes.
Tout une mise en abîme met le paysage “à l’autre bout des yeux” et lui donne une essence ineffable. L’artiste le tire des sépulcres du réel pour le retrouver et le réviser afin qu’il avance en toute pureté sans béquille ou carapace. La peinture mord les apparences pour ouvrir à un traitement où une forme d’abstraction crée une traction particulière.
La surface crée une écume particulière là où l’art n’a plus pour but la distraction mais la confrontation. Il faut l’affronter dans le blanc de la toile où se trame une survivance qui vient se porter en faux contre la dévastation. Bonvin-Rey propose en quelque sorte un contre-territoire. Et si pour le créateur toutes les ombres attirent dans leurs bras, l’art ne se contente pas de constater ses dégâts. La couleur – s’estompant quelque peu – laisse en présence d’une trame. Il y a là une errance et une expérience : celles de rester non devant l’œuvre mais dedans.
Jean-Paul Gavard-Perret